jeudi 2 février 2017

Mini - Chapitre quatre


Chapitres : 1 - 2 - 3
Chapitre quatre

Le repas terminé, Ariane s’empresse d’aller jouer dans la cour arrière. Charles est intrigué.

-- J’ai remarqué qu’elle ne joue pas avec les autres enfants dans la rue.

-- Pas depuis qu’AlphaLab a essayé de l’enlever.

Minya parle les dents serrées. Elle se sert un troisième verre d’alcool de riz, fixe un point au loin dans la cour. Charles l’imite, mais n’arrive pas à cacher la grimace que cet alcool maison lui tire.

-- Je ne voyais pas clair, lui confie Minya.

De tout le repas, elle a évité de répondre à sa question. Maintenant qu’Ariane est loin, elle parle enfin. Sa physionomie se transforme. Pour la première fois depuis que Charles étudie son non verbal,  il remarque des signes de vulnérabilité.

-- Je n’ai pas eu connaissance de ce qui s’est passé, continue-t-elle, mais, quand la drogue a arrêté de faire effet, j’ai tout compris. Benoit avait tellement raison d’être paranoïaque; j’ai tué une centaine de personnes cette nuit-là, dans le bar, et rien n’est sorti dans les nouvelles. Rien du tout.

Elle tourne les yeux vers Charles, qui hoche la tête avec sympathie. En effet, ce genre d’événement aurait fait les nouvelles internationales.

-- Une semaine plus tard, reprend-elle, je suis retournée chez AlphaLab.

Son regard plonge dans le sien. Un frisson parcourt son échine.

-- Je les ai tués un à un. En pleine connaissance de cause. La secrétaire, l’infirmier mal habillé, l’agent de sécurité, les médecins et toutes les autres âmes que j’ai trouvées là. Ma rage était si grande…

Elle se tait. La culpabilité lui fait pencher la tête vers l’avant, un peu vers la gauche. Ses émotions sont sincères. Pourtant, elle avale sa salive, porte sa main au visage et humidifie ses lèvres. Elle cache quelque chose. Elle omet de mentionner les réserves de chlorolanfaxine qu’elle a dérobées.

Qu’en a-t-elle fait?

-- J’ai fui la ville le jour même. Après des jours à marcher sans savoir où j’allais, je me suis retrouvée dans ce joli petit village. Les habitants m’ont accueillie comme si j’étais de la famille. C’est tout ce dont j’avais besoin.

Minya a l’air démolie. Son passé l’affecte sans aucun doute, mais elle n’est pas dégoûtée par son crime. Charles pose la main sur son poignet. Sa peau est chaude, terriblement douce.

-- Minya, j’aimerais vraiment que tu viennes avec moi. Mon client souhaite détruire AlphaLab.

Ses yeux noirs, qui étaient retournés vers la cour, reviennent aussitôt sur lui, durs et froids.

-- Il en a les moyens, précise-t-il. Crois-moi.

Minya sourit. Ses dents rappellent le cruel sourire du chat d’Alice aux pays des merveilles.


-- Ce serait la plus belle des vengeances, murmure-t-elle.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire